La poupée la plus célèbre du monde entre une fois de plus dans l’histoire avec la création d’une Barbie à l’effigie de Laverne Cox, actrice trans américaine, notamment connue pour son rôle dans la série Netflix Orange is the new black. C’est la première fois qu’une personnalité trans reçoit un tel honneur, 63 ans après la création de Barbie. Mais cette réelle avancée pour la représentation des personnes trans ne doit pas masquer une autre réalité : dans les usines Mattel, les conditions de travail seraient loin d’être célébrées dans les médias, alertent plusieurs ONG.
“Pionnière. Icône. Militante. En l’honneur de son 50e anniversaire, Barbie est ravie d’accueillir Laverne Cox en tant que nouvelle poupée Barbie issue de sa collection hommage, reconnaissant ainsi son impact dans la télévision, le cinéma, la mode et la communauté LGBTQ+.” Voici les mots écrits sur le compte Instagram dédié à la célèbre poupée, ce 27 mai. Barbie vient en effet de sortir une nouvelle figurine à l’effigie de l’actrice américaine trans, Laverne Cox, connue pour son rôle dans la série à succès Orange is the new black (Netflix).
La principale intéressée a elle aussi communiqué son enthousiasme à l’idée de rejoindre une liste déjà longue de personnalités dont l’image a été empruntée par Mattel, l’entreprise qui fabrique les poupées les plus célèbres du monde : “Ce qui m’enthousiasme le plus à propos de sa présence dans le monde, c’est que les jeunes trans peuvent la voir et peut-être l’acheter et jouer avec elle, et savoir qu’il y a une Barbie fabriquée par Mattel, pour la première fois, à l’image d’une personne trans”, a-t-elle expliqué à People.
Cette valorisation d’une personnalité trans, connue du grand public, est en effet importante. Les personnes trans, et plus particulièrement les enfants, font face à de nombreuses menaces aux États-Unis, souligne Laverne Cox dans son communiqué. Comme le rapporte Komitid, plusieurs projets de loi déposés dans le Dakota du Sud, l’Arizona ou encore l’Oklahoma, souhaitent empêcher les plus jeunes d’affirmer leur identité de genre ou même de lire des livres dont les sujets abordés seraient « les préférences sexuelles » ou « l’identité de genre ».
En France, les discours anti-trans se multiplient également dans les grands médias, alimentant la confusion entre identité de genre et attributs sexuels, ce que détaille Madmoizelle dans cet article. Plus récemment, une panique générale semble avoir pris possession de certaines rédactions (Le Figaro, Le Parisien, Marianne…) avec des articles sur les transitions des jeunes et leur caractère “irréversible”. Or, comme le souligne Marie Zafimehy (journaliste et autrice du Genre expliqué) dans un fil Twitter, ces transitions ne sont justement pas irréversibles :
Ce qui est réel en revanche, ce sont les suicides qui touchent la communauté trans et queer en France et ailleurs. En cause ? Le manque d’information, le déficit d’accompagnement et la stigmatisation des personnes trans. En 2021, au moins 375 personnes trans ont été assassinées dans le monde, peut-on lire sur Têtu. Plus récemment, au Mans, un jeune lycéen trans de 15 ans s’est donné la mort dans son établissement, rapporte encore Têtu.“Les taux de suicide chez les jeunes trans sont délirants : 7 à 10 fois supérieurs aux jeunes cis”, rappelle l’association OUTrans sur son site internet.
Des poupées de plus en plus diversifiées
Une Barbie normalisant la transidentité peut ainsi avoir un impact positif sur l’ensemble de la société : elle permet aux enfants trans de s’identifier à une poupée qui, depuis sa création, renvoie une image des femmes normée malgré la création de plus en plus de modèles “diversifiés” tels que le modèle en fauteuil roulant, sans cheveux ou celui à l’effigie de la championne de tennis japonaise Naomi Osaka.
Mais la présence dans les rayons de jouet d’une Laverne Cox miniature permet aussi aux enfants, quel que soit leur genre, d’être sensibilisés à la pluralité des identités. “Que dans cet environnement où les enfants trans sont attaqués, cela peut aussi être une célébration de la transidentité, et aussi un espace pour rêver, comprendre et se rappeler que la transidentité est quelque chose de beau. Qu’il y a de l’espoir et la possibilité pour eux d’être eux-mêmes”, s’enthousiasme Laverne Cox.
Un point de vue qui vaut pour l’ensemble des poupées de la collection “Barbie Signature”, qui célèbre des femmes et leur impact positif sur la société. À l’image de la poétesse noire Maya Angelou, la championne de tennis lesbienne Billie Jean King, ou encore la militante sourde et aveugle Hellen Keller. Prix d’une poupée : 40 dollars (environ 37 euros).
Un écart entre les discours de Mattel et les conditions de travail dans les usines ?
Face à ces actions positives pour la représentation de la diversité auprès d’un jeune public, Mattel est cependant attaqué depuis plusieurs années par des ONG. Ces dernières dénoncent les conditions de travail des ouvrières et ouvriers qui fabriquent les poupées Barbie dans les usines de l’entreprise, situées en Chine.
Dans leurs derniers rapports publiés en novembre 2019 et décembre 2020, ActionAid et China Labor Watch écrivent que la nouvelle direction prise par Mattel pour ses poupées Barbie “a permis d’augmenter les ventes de Barbie, mais l’écart entre les discours de Mattel et les conditions de travail des femmes qui produisent les poupées Barbie n’en est que plus choquant”.
Les deux ONG détaillent dans leurs rapports les résultats de leurs enquêtes menées sur plusieurs sites du groupe Mattel : des salaires “en deçà d’un salaire vital”, des horaires de travail à rallonge, des cadences “beaucoup trop élevées” ainsi qu’un manque de protection face aux substances chimiques manipulées par les ouvrières et ouvriers ou encore la banalisation des violences sexistes et sexuelles.
Cela fait 20 ans que les ONG alertent Mattel, et depuis la publication des premières enquêtes, quelques précieux changements sont à noter au sein des usines de l’entreprise : “Le droit du travail chinois oblige les entreprises à souscrire une assurance sociale pour tou·te·s les travailleur·se·s, en plus de la caisse de prévoyance pour le logement”, peut-on lire dans le rapport datant de 2019. “L’assurance sociale couvre la maternité, la vieillesse, le chômage, les accidents du travail et la maladie”. Dans leur rapport de 2019, ActionAid et China Labor Watch indiquent que les travailleurs et travailleuses de l’usine enquêtée ont bien accès à cette assurance sociale, au bout d’un mois sur place.
Mattel s’est également défendu dans les colonnes d’Aufeminin, rappelant l’existence de son “Code de Conduite”, qualifié de “strict” par l’entreprise.
“Sur nos sites de production en Chine, nous organisons des formations contre le harcèlement, formons nos collaborateurs au processus de signalement de problèmes sur le lieu de travail, et disposons également d’un service d’assistance téléphonique permettant à nos collaborateurs de signaler de façon anonyme tout harcèlement, ou autres réclamations. Si nous recevons un signalement pour harcèlement, une enquête est immédiatement conduite et nous prenons les mesures nécessaires en fonction des conclusions de cette enquête. Par ailleurs, le programme Ethical Toy Program de l’ICTI procède à des audits de nos usines afin de s’assurer que les normes liées à la sécurité et à l’environnement de travail y sont respectées.”
Mattel
Contacté par téléphone, ActionAid France explique de son côté ne pas être “satisfait” de cette réponse et considère le programme Ethical Toy Program de l’ICTI (l’International Council of Toy
Industries) comme “le bras droit du lobby de l’industrie du jouet en Chine”. Malgré ses inquiétudes, l’association explique avoir mis en pause ses enquêtes avec China Labor Watch. En cause ? “Il est de plus en plus compliqué d’enquêter sur place.”
De son côté, Lisa McKnight, vice-présidente exécutive et responsable mondiale de Barbie et des poupées chez Mattel, a déclaré à propos de la nouvelle poupée à l’effigie de Laverne Cox : “Nous sommes fiers de souligner l’importance de l’inclusion et de l’acceptation à tout âge et de reconnaître l’impact significatif de Laverne sur la culture.”
En espérant que les pratiques dénoncées par les ONG en interne évoluent au même titre que la façade d’une entreprise dont l’influence est grande. 80 millions de poupées sont vendues chaque année dans plus de 150 pays à travers le monde.
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